Rideau
Gaspard boit son café à petites gorgées, debout dans la cuisine. Par la fenêtre qui donne sur la cour intérieure de l'immeuble, il jette un coup d'œil sûr – dix dixièmes à l'œil gauche (ou le droit, il ne sait plus), neuf dixièmes à l'autre et, franchement, la différence est infime. La lumière est douce, plus hivernale que printanière, et le ciel clair engage malgré tout à aller courir autour du Jardin des Plantes.
Gaspard E, feuilleton, épisode 3.1
Son regard est soudain accroché par le geste d'un rideau qu'une main écarte en face, au dernier étage, par le frou-frou qui accompagne le geste. Il sait bien que c'est le rideau qui ouvre (et qui ferme) sur une salle d'eau et, plus précisément, sur un tub où la voisine se savonne (sans toujours tirer le rideau).
Les jeux d'ombre et de lumière que Gaspard perçoit révèlent que la même main y verse un broc d'eau. Son bon vieux dilemme le reprend: observer à la dérobée, ou pas?
Il range le sachet d'arabica dans l'armoire, pose la tasse dans l'évier, avise la pile de livres qui traînent sur un coin de table. Il en ouvre un, au hasard, le feuillette. A la page 30, il en oublierait presque la baigneuse dont il aperçoit le dos.