A l'hasard Balthazar
A l'hasard Balthazar
, c'était la devise des seigneurs des Baux de
Provence. Elle nous laisse le choix entre deux acceptions pour tant est qu'il
faille choisir: partir à l'aventure ou choisir à l'aveuglette.
En tout cas, elle renvoie au roi mage, le roi au visage noir, guidé par une étoile jusqu'à la grotte de la Nativité. Il est amusant que le jour de la fête des rois soit devenu le jour de la galette où l'on tire au sort la fève. Un sondage nous apprend que 68% des sondés trichent pour donner la fève à un enfant et que 9% des sondés en mangent plus de cinq par an. Que ces deux énoncés recouvrent-ils? Nous y reviendrons.
Du côté du verbe hasarder
, la langue française retrouve les
mathématiques dans l'expression jouer à quitte ou double
dès le
ⅩⅥe siècle. Du côté du hasard
, qui ne consiste
pas à entreprendre une action, l'expression à la fortune du pot
date du
ⅩⅦe et renvoie à ce qu'on trouve dans la marmite,
perdrix aux choux ou choux sans perdrix
, si on en croit le vieux
Dictionnaire de la langue verte. Au milieu du ⅩⅨe, on
dit encore jeter à croix et pile
aussi bien que tirer à pile ou
face
qui est avéré depuis 1548, c'est précis, quand le roi Henri Ⅱ
remplace la croix par la face du souverain, toujours frappée avec le burin
qu'on nomme la pile
.
Jouer à pile ou face ne laisse que deux possibilités car on n'imagine pas que
la pièce puisse retomber sur la tranche. On en modélise donc le plus souvent
l'expérience par une
loi de Bernoulli qui a deux issues, pile
avec probabilité p ou
face
avec probabilité (1-p). S'il fallait pourtant inclure l'issue
tranche
, nous lui attribuerions la probabilité 0. En tout état de
cause, la somme des probabilités des issues de toute expérience égale 1, c'est
l'un des piliers de la théorie des probabilités.
Considérons un jeu plus subtil. Gaspard, Melchior et Balthazar se cachent derrière trois portes indiscernables. Un enfant doit désigner l'une d'entre elles pour débusquer Balthazar. Ceci fait, un complice ouvre l'une des deux autres portes dont il sait qu'elle ne le dissimule pas. Alors, l'enfant peut changer d'avis. Quelle stratégie lui recommander pour maximiser ses chances de découvrir Balthazar? Ouvrir la porte désignée initialement (stratégie #1)? Ouvrir celle des deux portes toujours closes qu'il n'a pas désignée initialement (stratégie #2)? Il faut le convaincre d'adopter la stratégie #2.
Adoration des Rois
(anonyme flamand, ⅩⅦe, Musée du Louvre)
On peut élaborer plusieurs argumentations pour justifier cette réponse. Celle que nous proposons repose sur le fait suivant: quelle que soit la stratégie adoptée par l'enfant, le choix initial détermine complètement le choix final.
Nous procédons maintenant en trois temps.
Quelle que soit la stratégie, la porte que désigne l'enfant au début du jeu dissimule Balthazar avec probabilité p=⅓.
S'il a choisi la stratégie #1, il a donc une chance sur trois de débusquer Balthazar.
S'il a choisi la stratégie #2, et dans la mesure où changer de porte signifie désigner l'unique autre porte toujours close et parce que la somme des probabilités égale 1, alors l'autre porte dissimule Balthazar avec probabilité (1-p)=⅔ et l'enfant a donc deux chances sur trois de débusquer Balthazar.
Il apparaît ainsi que la stratégie #2 double les chances de succès de la stratégie #1!